Jour 5: Lugano - Genova
Quatrième jour d'affiler avec une météo clémente. J'ai rangé les affaires pour la pluie au fond de mes sacs. En arrivant sur Genova, il faisait 23°C. Je fais quelques kilomètres le long du lac de Lugano. L'absence totale de vent fait que le lac est parfaitement lisse, et les seules rides à la surface sont des remous provoqués par des oiseaux. Pour accéder au lac Maggorio, j'emprunte la vallée de Luine. Un petit torrent circule au fond avec la route qui serpente au dessus. Je m'arrête devant un petit barrage qui de part son apparence doit au moins avoir 70 ans. Le béton me rappelle l'apparence des blockhaus allemands qui ornent la côte atlantique, et son état de conservation s'en rapproche (c'est à dire qu'il n'a pas bouger d'un poil vu que c'est le genre d'ouvrage qui n'a pas été penser pour être détruit, voir dans le cas de blockhaus qui a été conçu pour ne pas être détruit.
Après avoir parcouru la berge ouest et nord du lac Maggorie, je me promène aujourd'hui sur la partie est. Après quelques kilomètres, j'entre à nouveau en Italie. Cette partie du lac est beaucoup moins aménagée. Il y a quelques petits villages mais rien de comparable aux grands "palacios" de la vieille. Un grand nombre de maisons donnent directement sur le lac, et le garage qui donne sur la route est construit à la place du toit. Je m'arrête vers 12h30 pour manger dans un parc au bord de l'eau. Juste avant de quitter le lac, la route est une longue série d'arches et de tunnel. Après une courte ascension je quitte la région des lacs et de la Lombardie pour entrer en Piémont.
S'il y avait un championnat d'Europe des paysages sans intérêts, les alentours de Milano arriveraient sans problème en demi-finale. Dans le nord de Tortona, j'ai traversé une longue succession de rizière. L'absence de relief sur des kilomètres à la ronde fait qu'il y avait un vent latéral monstrueux. Chaque croisement avec un poids lourd était un calvaire. En m'égarant dans un petit village, je me suis retrouvé en face d'un église somptueusement décorée avec de grandes mosaïques. Après avoir arrêté la moto à coté du café du village, je prends quelques photos de l'église. Les papys du coin intrigués par l'étrange spectacle d'un motard photographe commencent à me poser plein de questions en italien. Après plusieurs essais infructueux, j'arrive à leur faire comprendre que je ne suis pas un journaliste, mais juste un simple touriste en vacances qui s'est arrêté pour admirer leur belle église. Après quelques poignées de main, je repars pour mon calvaire venteux.
Arrivé à une cinquantaine de kilomètres de Genova, je m'éloigne de la route principale pour entrer dans une vallée parallèle. Entre temps, le relief s'est légèrement accentué. Après quelques kilomètres sur une petite route sinueuse, je me fais rattraper par une Ford verte. S'engage alors une pseudo course poursuite. Ma moto avec sa bonne accélération me permettait de prendre mes distances quand il y a avait peu de virages, mais sa tenue de route et ma connaissance limitée du terrain permettait à mon adversaire de me suivre de près. Après une bonne quinzaine de kilomètres de jeu, j'arrive en haut de la vallée donnant sur Genova. La vue époustouflante m'oblige à déclarer forfait et à m'arrêter aux stands pour prendre quelques photos. Avant d'arriver sur Genova, je traverse une ville construite dans une vallée très encaissée. Je prends alors toute la mesure de ce que veut dire petite rue italienne. A coté, les rues de Montmartre font office d'autoroutes, et les lacets des cols alpins passent pour des jeux d'enfants (notamment à cause d'obstacles peu présents en montagnes comme des scooters, des piétons et des maisons).
Arrivé à Genova, je prends une chambre dans un hôtel au coeur de la ville. Comme il est assez tôt, je repars pour découvrir rapidement la ville. Un grand nombre de bâtisses me rappelle les belles demeures de Stresa. Vu le passé marchand de la ville, beaucoup de bâtiments sont très anciens, et généralement très travaillés. La plupart n'ont rien à envier aux beaux immeubles haussmanniens de Paris. Le front de mer est un raz de marée de sculptures, peintures, grands jardins, etc. Dans le port, coincé entre le musée maritime et l'aquarium, stationne un grand galion, le Neptune, ayant servi pour le tournage du film Pirates de Roman Polanski. Après avoir bien mitraillé, je retourne à l'hôtel pour aller manger. En me promenant dans les rues piétonnes alentour, je tombe sur un restaurant sympathique. En entrée, je commande à nouveau du lard avec du miel. En plat je prends des raviolis aux herbes. L'ensemble est fortement parfumé. Le duel en bouche entre le basilic et l'huile d'olive, le fondant du ravioli et la texture crémeuse de la farce aux herbes sont un véritable régal. En dessert, je commande une espèce de fromage blanc gélatineux nappé de chocolat chaud et de poudre de coco (panna cotta).
Comme je m'y attendais, la partie entre Lugano et Gênes n'était pas très intéressante. Du coup, j'ai profité de chaque instant qui le permettait (aussi bien la première partie avant de quitter les lacs, que l'arrivée sur Genova avec un arrière pays magnifique). L'armada de deux roues est assez impressionnante sur Genova. Avec mon habitude de conduire dans Paris, je n'étais pas si dépayser que ça. Je commence à avoir quelques traces du voyage: mes doigts sont écorchés de partout à force d'enlever et remettre les gants, mon pouce gauche est irrité à force de tenir la poignée pour doser l'embrayage, et mes fesses sont toutes rouges à rester assis toute la journée sur la selle.