Voyage dans les Alpes (12 - 26 Juin 2009)

Jour 6: Saint Moritz - Schuls

Les chiffres du jour:
départ: 10h00 - arrivée: 17h00
247 km pour 5 cols
- Passo Del Bernina - 2328m
- Passo Del Foscagno - 2291m
- Giogo di Santa Maria - 2503m
- Passo dello Stelvio - 2757m
- Ofenpass - 2149m

col du Stelvio
col du Stelvio agrandir

Aujourd'hui, c'est le grand jour: j'arrive à la limite est de la Suisse pour affronter le col qui a motivé mon voyage dans les Alpes plutôt que les Pyrénées, il passo del Stelvio.

Je commence la journée avec une curiosité touristique, la ligne de chemin de fer reliant Saint Moritz à Poschiavo. En effet, le train suit la route pour monter au col de Bernina. Je passe alors devant la gare la plus haute d'Europe de l'ouest à 2328 mètres d'altitude. Le train rouge et or qui circule au milieu de la montagne enneigée me fait plutôt penser à une carte postale des Andes. Avec l'altitude, le froid m'oblige à me couvrir. Après quelques photos atypiques, je redescends le col de l'autre coté en espérant voir le viaduc circulaire qui a fait la célébrité de cette ligne. Malheureusement pour moi, la ligne est cachée par un versant de montagne et je ne la retrouve qu'en arrivant en bas. Déçu par la fourberie des guides touristiques qui m'avaient présager un ouvrage inoubliable, je continue vers Livigno, en passant un petit col à 2315 mètres.

Dans une vallée bien encaissée, je continue en direction de Bormio. Quelques kilomètres avant la ville, je bifurque pour entrer sur l'attraction du jour. La montée commence modestement avec le franchissement de petites gorges. Après quelques kilomètres, j'arrive dans les premiers lacets. Je tombe alors sur un panneau unique en Italie m'indiquant la présence de virages dangereux, sous-titré de la mention "14 tornanti". Jusqu'à présent, j'avais eu le droit à "4 tornanti" d'affilée, et cela me paraissait déjà beaucoup. A ce niveau, on ne peut même plus parler de parcours technique. Apparemment, je n'étais pas le seul motard à avoir eu cette idée. Cela en devenait même comique à tel point que tous les espaces disponibles pour se garer étaient occupés par des motos. Les rares automobilistes perdus au milieu de cet immense rassemblement étaient donc obliger de continuer leur route. En parallèle avec cette route hors du commun, un torrent se déversait dans un grondement atroce. Sur une centaine de mètres, il n'y avait que de l'écume bouillonnante, à tel point qu'un nuage blanc de gouttelettes d'eau en suspension s'en dégageait. Je m'arrête au milieu de la montée pour manger. Ce panorama me met dans tous mes états. D'un seul coup d'oeil, je peux embrasser du regard l'ensemble des virages que j'ai déjà franchi. Je continue ensuite pour dévorer les derniers virages et m'arrête pour contempler les quatorze lacets. Même en les ayant sous les yeux, j'ai encore du mal à réaliser ce que je viens de franchir. Comme je me suis arrêté au milieu, on ne peut pas vraiment parler d'épreuve complète, mais cette route est tellement atypique, que je me dis que j'aurais bien une autre occasion de l'emprunter.

Je continue alors pour attaquer la partie supérieure du col. Je retrouve les paysages particuliers qu'on trouve à cette altitude, un mélange de neige, de roches, avec en prime un petit sanctuaire peint au milieu de nul part. Arrivé à 2750 mètres, je m'arrête au milieu d'une ville. Les motos garées ne se comptent plus en dizaines mais en centaines. Il semblerait que toute l'Europe se soit donnée rendez-vous ici. Je croise des anglais, des irlandais, des tchèques, des italiens, des suisses, des allemands, des français et des autrichiens. De chaque coté de la route, et sur une centaine de mètres (voir dans les artères perpendiculaires), il n'y a que ça. Au milieu, un vendeur de sandwichs chauds est en train de faire fortune. Je m'arrête à coté d'un restaurant qui porte un nom très à propos avec un panorama enneigé, le Tibet.

La descente n'a rien à envier à la première partie de la montée. Là encore, un nombre hallucinant de lacets se succèdent. Bloqué par quelques camping cars pendant la descente, j'en profite pour admirer la vue. Le nombre de cyclistes présent sur la route est aussi impressionnant, surtout au vue du challenge respiratoire que la montée à une telle altitude doit occasionner.

Après quelques derniers virages sympathiques, je suis de nouveau dans la vallée. Je dois alors partir en quête d'essence, en vue du col suivant. Je programme alors mon GPS qui m'amène d'Italie en Suisse. La station étant juste après la frontière, après avoir fait le plein, je fais demi-tour pour passer la frontière une seconde fois et rattraper mon itinéraire. Deux cents mètres après la frontière, je m'aperçois alors que la station était sur ma route, et que je devais donc continuer dans l'autre sens. En moins de cinq minutes, je repasse donc pour une troisième et dernière fois devant les gardes frontières, qui m'adressent un sourire gentil mais moqueur.

Je passe ensuite devant l'abbaye de Munstair, classée au patrimoine mondial de l'Unesco pour ses fresques qui datent du IXème siècle pour les plus anciennes. Dans les villages qui suivent, un grand nombre de maisons sont peintes pour simuler des décorations murales. Le thème le plus récurant pour ces décorations est floral. De temps en temps, on retrouve un bouquetin. Je continue pour emprunter l'OfenPass. Le soleil m'accompagne et me permet de profiter pleinement des paysages qui m'entourent. Arrivé en basse Engadine, je tourne en direction de Schuls, mon point de chute du jour. Quelques travaux ralentissent mon arrivée, mais cela ne m'empêche pas d'arriver une heure plus tôt que d'habitude. Je m'arrête alors dans un hôtel avec vue sur une des églises de la ville, avec en fond le Piz Pisoc. Je profite alors des rayons de soleil de fin d'après-midi pour me poser tranquillement sur mon balcon et apprécier la vue pendant la rédaction de mon journal. Pour dîner, je prends un potage de brocoli, suivi d'une spécialité locale: des röstis (des juliennes de pomme de terre recouvertes de jambon puis de fromage fondu), de quoi bien m'assommer avant d'aller me coucher. Pour bien conclure la journée, je termine par un apfelschtrudel recouvert de crème à la vanille.

Après l'étape déjà très technique de la veille, le col du Stelvio renvoie vraiment aux oubliettes toutes les routes que j'ai pu prendre. Les routes qui suivirent faisaient pâle figure à coté, et il était d'autant plus difficile de les apprécier.



Cédric Rabemananjara - copyright 2009