Voyage dans les Alpes (12 - 26 Juin 2009)

Jour 10: Vaduz - Luzern

Les chiffres du jour:
départ: 9h30 - arrivée: 18h00
329 km pour 5 cols
- Luzisteig - 713m
- Oberalppass - 2044m
- Furkapass - 2436m
- Grimselpass - 2165m
- Sustenpass - 2224m

Me voici de retour en Suisse. Le mauvais temps m'accompagne et d'après la météo, je vais encore souffrir demain. Malgré le froid et la pluie, je reste de bonne humeur. Chaque jour me réserve toujours son petit lot de surprise pour me remonter le moral.

Furkapass
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Je commence par quitter le Liechtenstein, qui m'a un peu déçu. Les belles maisons peintes ne m'ont pas suffit (surtout que la région en est remplie). Je remonte ensuite la vallée du Rhin. Cela me rappelle celle du Rhône entre Martigny et Sion, les vignes en moins, ou en tout cas en moins grand nombre. Dans l'ensemble, la route n'est pas trop désagréable. il y a suffisamment de virages pour me tenir éveillé, mais j'attends avec impatience les premiers cols. Pour l'instant, je suis chanceux question pluviométrie, mais les nuages me guettent. Après avoir passé Chur et quelques industries impressionnantes (et notamment une scierie étalée sur plusieurs hectares avec des montagnes de sciure), je continue de suivre la vallée supérieure du Rhin. Au passage, je passe devant un ancien pont en bois au dessus d'un sacré précipice. Je continue ma route et commence à m'approcher du plafond nuageux. Je passe alors par un tunnel qui m'évite le pire et me permet d'entrer dans la vallée suivante sans encombre.

Après une petite descente, je remonte pour passer l'OberAlppass. Cette fois ci je n'échappe pas aux nuages. Le col se trouvant à 2142 mètres, il fait extrêmement froid. Dans la vallée nuageuse, la température était comprise entre 11 et 13°C. Mille mètres plus haut, au milieu des nuages, je n'ose imaginer. Après quelques gouttes pour humidifier la route, je commence à circuler au milieu de flocons de neige. Apparemment, il fait trop chaud pour que celle-ci s'accumule, mais suffisamment froid pour transpercer mes quatre épaisseurs et me geler les phalanges. Pour la descente, j'ai le droit à un temps plus sec, et je peux au moins profiter de la route. Apparemment les nuages s'amoncellent d'un seul coté de la montagne. Je profite alors d'une petite éclaircie pour faire quelques photos, mais sans grande conviction.

grotte de Furka
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Après une descente éprouvante (à cause du froid ambiant), j'accueille avec joie un semblant de chaleur au fond de la vallée suivante. Mes doigts ont à peine le temps de reprendre une température normale que j'arrive au col suivant. Cette fois-ci, je pars pour 2412 mètres pour le Furkapass. Là encore, je passe au milieu des nuages, sauf que cette fois les flocons s'accumule sur ma visière. Couplés au brouillard, je ne vois pas à plus de vingt mètres et roule donc au ralenti pendant quasiment toute la montée. Le bas du plafond nuageux se trouvant vers 1800 mètres, je me ballade donc la tête dans les nuages sur plus de 600 mètres de dénivelé. Au bout d'un moment, je perds complètement la notion d'espace. Cette purée de pois me désoriente totalement. A tel point que j'ai l'impression de me trouver dans un rêve, ou plutôt un cauchemar, car le froid me saisit les doigts. J'ai l'impression de me promener au milieu de nul part. Arrivé en haut du col, cela fait tellement longtemps que je n'y vois plus rien que je ne me rends pas compte du chemin parcouru, et donc encore moins de l'altitude à laquelle je me trouve.

Comme pour le premier col, l'autre versant est plus dégagé. Je m'arrête alors dans un bar pour manger. En me baladant un peu autour du bar, un glacier attire mon attention. En montant quelques marches, je m'aperçois qu'on peut le visiter. Une grotte a été aménagée à l'intérieur et elle est ouverte au public, moyennant finance. J'entre alors dans l'antre du yéti. Je traverse un cylindre de glace d'un bleu ciel aussi froid que l'air ambiant. Des gouttes tombent du plafond et au loin on entend de l'eau qui ruisselle pour s'échapper du glacier en fonte. Au fur et à mesure que j'avance, les murs s'obscurcissent, et ce qui était une lumière ambiante devient bientôt un vague souvenir. Les murs et le plafond devenus d'un bleu nuit me rappelle les tonnes de glace au dessus de ma tête, donnant une ambiance oppressante. Pour continuer à avancer, des néons éclairent le tunnel, et un tuyau apporte de l'air frais de la surface. Au bout de la galerie, des ouvriers continuent de l'agrandir avec des pioches. A cette profondeur, il fait nuit. La lumière des néons se diffuse légèrement dans la glace, mais sans grande conviction. J'attends à tout moment le monstre à fourrure, mais apparemment celui ci est intimidé par tous les touristes qui défilent. Je me contente de quelques photos glacées à l'ambiance surréaliste. je ressors de la grotte complètement émerveillé.

Je remonte alors ma moto pour le troisième grand col de la journée. Celui ci sera le coup de grâce. Un peu moins haut que le Furkapass, il me gèlera quand même les doigts. Je suis obligé de m'arrêter plusieurs fois et d'approcher mes gants et mes mains gelés du radiateur de ma moto pour les réchauffer. Dans un tunnel rempli de fumée par intermittence, je m'amuse avec des vagues de brouillard (ou plutôt des raz-de-marée). Noyé dans cet océan gris, je désespère de retrouver un jour ne serait ce qu'un petit bout de ciel bleu.

Après un retour sur le plancher des vaches et une dernière descente m'amène sur les berges du lac de Luzern. Coincé entre les montagnes, il me rappelle le lac majeur en Italie, la chaleur en moins. Malgré les couleurs froides, la vue est belle. Je suppose que par beau temps, il doit offrir des panoramas magnifiques. En tout cas, la route de la rive nord-est vaut le coup d'œil. Arrivé à Luzern, je prends une chambre dans la vieille ville. Cela me permet de me balader un peu avant d'aller manger. Je profite d'un soleil couchant et d'une lumière rasante pour faire quelques belles photos. Beaucoup de façades sont de vrais tableaux et les quelques passerelles piétonnes qui enjambent la Reuss concluent parfaitement ce tableau antique. Pour bien finir la journée, je m'offre un délicieux repas dans un grand restaurant, avec en entrée, une soupe de poisson et en plat un vol-au-vent avec des émincés de veau et des raisins secs macérés dans du cognac.

Après une journée bien remplie avec plus de trois cents kilomètres, et assez éprouvante à cause du froid, je suis bienheureux d'arriver à bon port. La visite dans le glacier restera sûrement comme un des moments forts de mon voyage. Le caractère exceptionnel et surréaliste du lieu m'a fortement marqué. Je retiendrai également la visite de Luzern qui me rappelle celle d'Innsbruck quelques jours plus tôt.



Cédric Rabemananjara - copyright 2009